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Tout savoir sur le Chocolat

Tout comprendre de la crise du cacao

04 juin 2025

Vous l’avez sûrement déjà constaté : le prix du chocolat est en train de flamber. En effet, depuis 2024, le prix du cacao sur le marché mondial a connu une flambée spectaculaire, doublant presque par rapport à l’année précédente ! La crise du cacao a profondément bouleversé l’économie mondiale du chocolat, affectant producteurs, industriels et consommateurs. Cette situation, marquée par une flambée historique des prix, des pénuries, des tensions sociales et des défis environnementaux, est le résultat d’une combinaison complexe de facteurs climatiques, économiques et réglementaires. Décryptage sur ce phénomène qui met en lumière les mécaniques à l'œuvre dans la filière. 

 1 - Origines et causes profondes de la crise du cacao

Malgré la forte augmentation des coûts, la demande mondiale de cacao reste inébranlable, en particulier parce que la classe moyenne croissante des marchés émergents continue à désirer des produits à base de chocolats. À première vue, cette crise a justement l’air d’une simple question d’offre et de demande. En réalité, le premier facteur de cette crise du cacao est bel et bien le dérèglement climatique. Ce dérèglement a eu pour effet de provoquer des maladies ravageant les cacaoyers d’Afrique de l’Ouest, et donc d’impacter directement la récolte de fèves de cacao réduisant ainsi drastiquement le volume de récolte. Puisque la demande pour le cacao n’a pas diminué pour autant, la valeur du produit augmente. Quoi de plus normal ? Cependant, il y a bien d’autres facteurs à l’œuvre. 

A/ Un déficit structurel mondial de l’offre qui se prolonge depuis 3 ans

Environ 65 % du cacao mondial provient de quatre pays africains : la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria et le Cameroun. À l’origine de cette flambée des prix, un grave déficit d’approvisionnement.

La hausse des cours a débuté au cours de l'été 2023, on constate alors un déficit d’environ 12 % de la récolte mondiale causé par une météo défavorable. On note alors en fin de campagne cacaoyère (soit avril/mai) un déficit de 30% rien que sur les pays du Ghana et de la Côte d’Ivoire. En effet, à l'origine de la hausse, une très mauvaise récolte en Afrique de l'Ouest, principalement due à des conditions météorologiques peu favorables avec de fortes pluies suivies d'une période trop sèche en 2023. Dans ces conditions, les plantations vieillissantes et menées en monoculture ont connu de fortes attaques des maladies du cacaoyer, comme le swollen shoot et la pourriture brune. Dès les premiers comptages de fleurs des cacaoyers au mois de mai 2023, la mauvaise récolte d'octobre à décembre était annoncée. La décision de la Côte d'Ivoire de suspendre exceptionnellement ses ventes anticipées au mois de juillet a contribué à accélérer la hausse des cours. En cours de saison, la baisse des rendements s'est confirmée. Les chiffres publiés en début d'année montrent que fin janvier 2024, les arrivées de cacao aux ports sont de 35% inférieures à l'année précédente en Côte d'Ivoire et au Ghana.  

B / Un changement climatique à l’œuvre et de nouvelles maladies

Le phénomène météorologique El Niño bien que présent depuis des années a été amplifié par le réchauffement climatique. Conséquence de cela : l’Afrique se réchauffe plus vite que les autres continents et est soumis à des épisodes météorologiques extrêmes. Depuis quelque temps, une maladie ravage les cacaoyers d’Afrique de l’Ouest, où se trouve une très grande proportion d’exploitations de cacao. Par conséquent, la production mondiale de cet « or brun » aura chuté d’environ 15 % de 2022 à 2024.  

La récolte catastrophique de 2024 a durement frappé les plantations d’Afrique de l’Ouest. En cause : le virus du gonflement des pousses du cacaoyer (CSSV), qui se propage d’arbre en arbre et peut réduire les rendements de 50 % en seulement deux ans. Un rapport de l’Organisation internationale du cacao indique que 81 % des plantations au Ghana – deuxième producteur mondial après la Côte d’Ivoire – sont touchées par le CSSV. La maladie se propage également en Côte d’Ivoire, affectant environ 60 % de la production mondiale de cacao. 

Par ailleurs, l’organisation américaine à but non lucratif Climate Central a signalé que le changement climatique entraînait des températures plus élevées dans des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun et le Nigeria. Une étude menée par un centre de recherche basé à Princeton (New Jersey) montre que des températures supérieures à 32°C pourraient réduire la qualité et la quantité des récoltes, ce qui affecterait gravement les principales régions productrices de cacao. En outre, le phénomène météorologique El Niño a entraîné une saison des pluies exceptionnellement humide en Afrique de l’Ouest en 2024, ce qui a encore réduit les récoltes de cacao. 

Le swollen shoot est un virus qui fait mourir l’arbre dans les 5 ans, il n’y a aujourd’hui aucun traitement, l’unique solution est d’arracher et replanter plus loin (100 000 Ha arrachés en Côte d’Ivoire en 2018).

Comme les deux pays représentent 70% de la production mondiale de cacao, cette baisse de l'offre génère un déficit sans précédent sur le marché du cacao. Les stocks internationaux de cacao ayant diminué au cours des dernières années, les tensions conduisent forcément à un déséquilibre entre offre et demande et à une hausse spectaculaire des cours.

C/ Un arbre fragile et peu d’investissement dans la culture du cacao

L’une des caractéristiques du secteur du cacao, c’est justement sa concentration dans quelques zones restreintes de la planète. Près des trois quarts du cacao produit dans le monde proviennent du continent africain. Qui plus est, deux pays, à savoir la Côte d’Ivoire et le Ghana, comptent pour près de 60 % de la production annuelle. À elle seule, la Côte d’Ivoire accapare 44 % du marché d’exportation.  

Le cacao est également cultivé en Amérique du Sud et en Amérique centrale ainsi qu’en Asie du Sud-Est, surtout en Indonésie, et en Océanie, notamment en Papouasie-Nouvelle-Guinée. 

Le cacaoyer pousse dans les régions équatoriales et ne tolère pas n’importe quelles conditions. Cela nous amène à l’un des facteurs majeurs de la situation actuelle : c’est une plante relativement fragile qui souffre des variations de température et qui craint les précipitations excessives comme la sécheresse.  

En ce moment, les plantations d’Afrique de l’Ouest sont en train d’être décimées par la pourriture brune des cabosses du cacaoyer. La transmission de cette maladie, qui diminue le rendement des arbres et qui en tue un certain nombre, est causée par les fortes pluies qui s’abattent sur la région. Ainsi, les dérèglements météorologiques dus au changement climatique y sont pour beaucoup dans la pénurie du cacao, qui s’observe dans les prix de nos tablettes de chocolat.  

La vulnérabilité des cacaoyers et la faiblesse du rendement sont dues surtout au changement climatique. Plus d’instabilité météorologique signifie plus de difficultés pour ces arbres décidément fragiles. Il se peut fort bien que les zones cultivables se déplacent au gré des changements de température. Faute de solutions à ces défis considérables, nous devrons peut-être nous contenter de manger moins de chocolat. Celui-ci reviendra possiblement un produit de luxe comme à l’époque de son introduction en Europe.  

D / Des plantations vieillissantes et une culture qui séduit de moins en moins

En plus de devoir subir de plein fouet les changements climatiques, le revenu touché par les producteurs est bas, la cacao-culture devient de moins en moins attrayante dans ce contexte, d'autres cultures comme l’huile de palme, l'hévéa ou même la production alimentaire (banane, igname…) sont souvent préférées au cacao par les jeunes qui s'installent pour des raisons économiques et agronomiques. Prenons l’exemple de la Côte d’Ivoire : ce pays fournit environ 40 % de l’approvisionnement mondial en fèves de cacao, mais récupère à peine 5 % des revenus générés par le secteur. Près d’un quart de la population œuvre dans ce domaine, mais plus de la moitié d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, en gagnant moins de deux dollars par jour. Comme dit précédemment la hausse du cours du cacao ne leur profite pas parce que leurs revenus sont fixés par le gouvernement. Donc même si les prix dit bord champ” ont été revus à la hausse depuis 2023, pour la Côte d’Ivoire et le Ghana, les producteurs ne bénéficient pas de la volatilité du marché et ne sont donc pas impacté positivement par la hausse du cours du cacao. 

De nombreuses plantations de cacaoyers sont vieillissantes, avec des arbres de plus de 15 ans, période après laquelle les rendements déclinent. Le manque d’investissements pour le renouvellement des plantations, dû à la baisse des revenus des producteurs, aggrave la situation. De plus l’âge moyen des producteurs en Côte d’Ivoire est de 50 ans, là aussi se pose la question de séduire les nouvelles générations pour entretenir la filière. Dans le monde du cacao, les paysans ont une expérience concrète et historique de la volatilité des prix. Ils savent qu'une année sur 7 ou sur 10, les prix du marché s'envolent, leur permettant une rémunération exceptionnelle. Ces courtes périodes sont le plus souvent mises à profit pour capitaliser, pour préparer l'avenir. Ils savent que les prix hauts ne durent jamais très longtemps et qu'après la hausse viendra la baisse qui peut, elle, durer assez longtemps. Le véritable problème du marché du cacao est comment garantir une stabilité, un prix toujours suffisamment rémunérateur pour couvrir les coûts de production d'une agriculture qui respecte la nature et assurer un revenu décent à la famille.  

E / Un phénomène de spéculation qui intervient dans le phénomène de hausse 

La spéculation sur les marchés des matières premières a amplifié la hausse des prix du cacao. En avril 2024, les prix ont atteint un record de 12 000 dollars la tonne, soit une augmentation de 50 % par rapport au mois précédent.   
La hausse des cours est particulièrement alimentée par des fonds spéculatifs, la dernière crise financière ayant amené les hedge funds à se positionner sur les marchés des matières premières. Le cacao côté aux bourses de Londres et de New York est encore plus sensible à la spéculation. En cas de déficit comme d'excédent, la spéculation s'appuie sur des causes réelles du marché physique, mais vient exagérer les tendances. La spéculation à la hausse conduit aujourd'hui à ce record historique des cours du cacao. La Commodity Futures Trading Commission estimait que les opérateurs financiers ont investi un montant jamais égalé de 8,7 milliards de dollars au cours des derniers mois sur les bourses de New York et de Londres pour spéculer en faveur d'une hausse des cours du cacao. Les fonds spéculatifs ne sont pas directement la cause de la hausse. Ils s'appuient à l’origine sur des causes réelles. Mais leurs apports massifs des liquidités conduisent le marché à des extrêmes qui n'ont plus de rapport avec les réalités physiques du cacao. 

2 Les conséquences de la crise du cacao

A/ À quoi ressemblait le cours du cacao avant la crise ?

Après une chute brutale de 30% en 2017, de 3000 dollars la tonne à 2000, les cours internationaux du cacao ont oscillé durant 7 ans autour de 2 300 dollars/T. De nombreuses études ont montré que ces prix trop bas ont maintenu les deux tiers des producteurs d'Afrique de l'Ouest en dessous du seuil de pauvreté. Pour assurer un revenu décent aux producteurs de cacao, il est avéré qu'un prix de 4000 à 5000 USD/T aurait été nécessaire.  

B/ Une envolée spectaculaire des cours du cacao 

La flambée du prix de la fève de cacao n'a échappé à personne ces derniers mois. Il faut dire que le cours de cette matière première a atteint un niveau sans pareil ces derniers mois pulvérisant le précédent record historique de 1977. À la Bourse de New-York, les contrats à terme s'échangent au-delà des 11 000 dollars la tonne, et à celle de Londres, la seconde place de cotation du cacao, à plus de 10 000 livres la tonne. Sur les marchés à terme de Londres et de New York, les cours de la fève de cacao ont connu une hausse continue depuis l'été 2023 et une envolée spectaculaire depuis le début de l'année 2024, pour atteindre le record absolu en avril 2024, de plus de 11 000 dollars la tonne, un record historique pulvérisant ainsi le score historique de 5 500 dollars la tonne en 1977. En un an, les cours du cacao auront été multipliés par 2,8 !

C/ Un déséquilibre entre offre et demande

D'après l'Organisation internationale du cacao (ICCO), la production mondiale de fève pour l'année cacaoyère 2023-2024 accuse un déficit de près de 11 %. Dans son rapport de février 2024, l'ICCO estime que les exportations ivoiriennes et ghanéennes, qui représentent 70 % de la production mondiale, sont en baisse respectivement de 28 et 35 % par rapport à la saison précédente. Les stocks internationaux de cacao ayant diminué ces dernières années, les tensions ont naturellement conduit à un déséquilibre entre offre et demande, de l'ordre de 374 000 tonnes, d'après l'ICCO, et à cette flambée inédite des cours amplifiée au-delà de toute réalité physique par des achats spéculatifs. Si l’offre baisse, la demande elle en revanche est stable et même en légère augmentation (nouvelles demandes des pays émergents). 

D/ La hausse spectaculaire des cours annonce-t-elle la fin du boom du cacao en Côte d’Ivoire ?

Le « miracle ivoirien » ou boom du cacao ivoirien est le nom donné à une période de prospérité économique survenue en Côte d'Ivoire dans les années 1960-1970, lorsque la croissance économique du pays s'élevait alors à 7% par an. Le boom du cacao ivoirien est le résultat d'un double phénomène : la conjonction de l'arrivée d'une importante main-d'œuvre provenant notamment des pays frontaliers au Nord et d'immenses étendues de forêts primaires rendues disponibles à la mise en culture. L'importante réserve de fertilité mobilisée par l’abattage de la forêt et la défriche-brûlis a généré à court terme un extraordinaire déploiement des plantations de cacao, mais une fois la rente forestière consommée et les sols appauvris par la monoculture en pleine lumière et à grands renforts d’intrants la production cacaoyère chute inexorablement…  

La surface dédiée à la cacao-culture a explosé ces dernières années (de 4,4 M d’ha en 1960 à 12 M en 2021), et cela au prix d’une déforestation intensive, en particulier en Afrique. Le changement climatique à l'œuvre et le Règlement européen de lutte contre la déforestation importée, dont le but est justement d'éviter de nouveaux booms du cacao, sont autant d'éléments qui laissent à penser que nous sommes à la veille d'une période où le cacao sera plus rare et plus cher. 

3 Quels sont les impacts financiers et économiques

A/ Pour les producteurs

Malgré la hausse des prix mondiaux, les producteurs (sur des marchés qui ne sont pas libéralisés) ne bénéficient pas pleinement de cette augmentation en raison des systèmes de vente à terme et des coûts de production élevés. De plus, les nouvelles réglementations environnementales imposent des coûts supplémentaires pour la mise en conformité. En Côte d'Ivoire et au Ghana, les producteurs de cacao n'auront pas bénéficié des cours internationaux élevés en raison des systèmes de régulation du marché de ces deux pays qui, dans le cas présent, ont été un obstacle pour obtenir un prix plus élevé pour les producteurs.  En effet depuis 1960, le mécanisme de prix bloqué mis en place par les États du Ghana et de la Côte d’Ivoire joue lui aussi un rôle central dans la crise du cacao actuelle. Chaque année, le Conseil Café-Cacao (en Côte d’Ivoire) et le COCOBOD (au Ghana) fixent à l’avance un prix minimum garanti que les producteurs de cacao recevront pendant la saison. Ce prix est bloqué, c’est-à-dire qu’il ne varie pas selon les fluctuations des marchés internationaux pendant la période concernée. Le prix bloqué est un prix minimum garanti fixé à l’avance par l’État pour protéger les producteurs contre les baisses du marché. Ce système fonctionne grâce à la vente anticipée du cacao, mais limite aussi les gains quand les cours explosent. 

En cas de forte hausse des prix mondiaux (comme en 2024-2025), ce système peut frustrer les producteurs qui vendent leur cacao à un prix inférieur à celui du marché libre. Cela peut encourager la contrebande vers les pays voisins où les prix sont plus élevés.En bref, le système de prix bloqué, qui vise normalement à protéger les producteurs, devient dans le contexte de la crise actuelle un frein à leur rémunération équitable. Il exacerbe la crise sociale au sein des filières cacao du Ghana et de la Côte d’Ivoire et déséquilibre le marché en empêchant une adaptation rapide aux évolutions brutales des cours mondiaux. Pour sortir durablement de la crise, beaucoup d’experts appellent à une réforme de ce modèle vers plus de flexibilité et de transparence.  

B/ Pour les consommateurs ?

Les consommateurs subissent une hausse des prix des produits chocolatés. Certains produits ont vu leur prix augmenter de 20 à 30 %, rendant le chocolat moins accessible pour de nombreuses personnes. Certains géants industriels vont appliquer les hausses avec un certain temps de latence, car elles ont acheté leur cacao d'Afrique de l'Ouest au prix de l'année dernière. Les géants du cacao fortement présents en Côte d'Ivoire et au Ghana ont acheté plus d'un million de tonnes de cacao à un prix autour de 2600 $/T contre un prix du marché actuel à 9 000 $/T. Une telle situation explique pourquoi les grandes marques industrielles parviennent aujourd'hui à ne pas augmenter et à maintenir leurs prix de vente consommateur. 

4. Quel est l’avenir de la filière cacao

A/ Les prix vont-ils baisser prochainement ?

L'évolution du marché est totalement liée à la situation de l'Afrique de l'Ouest. La crise actuelle provient bien d'un volume de ventes anticipées de la Côte d'Ivoire supérieur à la récolte, le pays ne pouvant honorer les contrats passés par ses exportateurs. Ce déficit évalué à 400 000 T a dû être reporté sur la campagne intermédiaire de mars-avril 2024 qui a été insuffisante elle aussi pour couvrir ce déficit. Le marché restera donc déficitaire et les cours ne devraient donc pas baisser significativement. Personne ne peut prédire les résultats de la récolte avant les premiers comptages de fleurs en avril-mai. Et, en tout état de cause, en vertu du système de ventes anticipées de la Côte d’Ivoire, environ 60% de la récolte supposée, a déjà été contractualisé. Il est donc peu probable que les tendances du marché changent significativement avant les prochaines récoltes. Les perspectives à moyen terme militent pour des cours plutôt élevés dans l'avenir. En effet, certains éléments pourraient nous amener à penser que la production de la Côte d'Ivoire et du Ghana a atteint un pic lors de la campagne 2020/2021 et qu'elle pourrait connaître une phase descendante dans l'avenir. Comme dit précédemment, le vieillissement des plantations, leur situation sanitaire dégradée, la baisse de fertilité des sols défrichés depuis plusieurs décennies sont autant d'éléments qui convergent vers une perspective peu optimiste. De plus, l'entrée en vigueur en janvier 2025 de la réglementation européenne  (RDUE)  interdisant l’importation de produits issus de la déforestation, impactant les exportations de cacao devrait recentrer les achats sur les origines tracées de Côte d'Ivoire ou du Ghana, exacerbant la concurrence à l'achat, voire les risques de fraude.  

B/ L’avenir du chocolat : un luxe en devenir ?

Le gouvernement ivoirien intensifie ses exigences envers les géants du cacao Cargill, Olam et Barry Callebaut, les incitant à mieux rémunérer les producteurs et à respecter les engagements en matière de prix plancher et de prime de durabilité. En effet, le cacao a été si sous-évalué au fil des décennies que les agriculteurs n’ont pas pu exercer leur métier dans des conditions décentes. Il semble aujourd’hui plus que jamais nécessaire d’investir dans des cultures plus résilientes et des rendements plus élevés pour éviter de futures flambées des prix. Si les entreprises chocolatières n’investissent pas dans les cultivateurs de cacao, elles ne devront pas s’étonner si, à l’avenir, il n’y a plus personne pour produire le cacao. 

C/ Investissements dans la durabilité

Pendant des années, la majorité des producteurs de cacao en Afrique de l’Ouest ont manqué de ressources pour appliquer de bonnes pratiques agricoles, ce qui a entraîné une baisse des rendements par hectare. En effet, le vieillissement des plantations, leur situation sanitaire dégradée et la baisse de la fertilité des sols pèsent sur les rendements. En Côte d'Ivoire, elles produisent en moyenne 400 kg de fèves par hectare, contre 1 000 à 1 500 kg en Amérique du Sud, où les plantations sont plus grandes. Or, en régénérant les cacaoyères et en entretenant les parcelles, la production pourrait facilement doubler. Il est crucial d’investir dans des pratiques agricoles durables, telles que l’agroforesterie, pour améliorer la résilience des plantations face aux changements climatiques. L’agroforesterie est l’une des réponses à la problématique : en effet l’agroforesterie est un mode d’exploitation des terres agricoles associant des arbres et des cultures ou de l'élevage afin d'obtenir des produits ou services utiles à l'Homme. L'association d'arbres et d'agriculture présente des avantages considérables, notamment dans le domaine de la protection des sols. Elle permet également au producteur de multiplier les cultures par exemple bananes + cacao pour multiplier ses gains. C’est dans cette démarche que Valrhona, s’engage depuis des années pour offrir un chocolat responsable. En effet, 100% de nos fèves de cacaos sont tracées depuis nos producteurs ce qui donne l’assurance de savoir d’où vient le cacao, qui l’a récolté et s’il a été produit dans de bonnes conditions. Choisir Valrhona, c’est aussi s’engager pour un chocolat qui respecte les Hommes et la Planète.

Depuis toujours, Valrhona met en avant la qualité et le goût de son chocolat ainsi que son engagement à créer une filière cacao juste et durable, respectueuse des Hommes et de la Planète.  Ainsi, depuis de longues années, Valrhona développe et met en place de nombreux projets pour permettre à ses filières cacao de devenir plus pérennes et résilientes : 100 % de notre cacao provient d'un contrat de partenariat longue durée de plus de 8 ans en moyenne avec des coopératives ou des plantations. De plus, les sourceurs Valrhona visitent et auditent chacun de nos fournisseurs cacao : au minimum une fois par an. Nous nous engageons à n'avoir aucune parcelle dans les aires protégées : en effet, depuis 2019, nous cartographions également leurs parcelles. La cartographie de toutes les parcelles de nos producteurs partenaires permet de vérifier, par superposition avec les cartes officielles de chaque pays, qu'aucune de ces parcelles ne se trouve en aire protégée. 

D/ Soutien aux producteurs et réforme du marché

Les gouvernements et les organisations internationales doivent soutenir les producteurs en leur fournissant des formations, des subventions et un accès au financement pour moderniser leurs plantations.
Les pays importateurs, notamment en Europe et en Amérique du Nord, doivent faire face à une augmentation des coûts d’importation et à des exigences réglementaires plus strictes concernant la traçabilité et la durabilité du cacao. Une réforme du marché du cacao, incluant une meilleure transparence des prix et une réduction de la spéculation, pourrait stabiliser les prix et assurer une rémunération équitable pour les producteurs.

Des actions sur les enjeux essentiels doivent être mises en place comme :

- La lutte contre le travail forcé et le travail des enfants 

- La lutte contre la déforestation 

- La baisse des émissions de gaz à effet de serre 

- Le financement de projets de recherche en agroécologie 

- La conservation des ressources : gestion de l’eau et des ressources naturelles,

- L’intégration de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement : limitation des intrants chimiques, pratiques de rotation des cultures, agroforesterie, culture de couverture pour la santé des sols,

- La préservation de la biodiversité, favorisant la coexistence des cultures, des animaux, des habitats naturels pour soutenir la diversité biologique et renforcer les écosystèmes,

- La rentabilité économique par la création de systèmes agricoles économiquement viables pour les agriculteurs. Ces pratiques agricoles doivent contribuer à une meilleure stabilité financière à long terme, une rémunération juste et équitable des producteurs

Pour conclure, bien que cette crise relève de plusieurs conditions spécifiques à la filière du cacao, elle reflète également des mutations, qui nous guettent à l’ère du changement climatique. Aujourd'hui, le cacao est présent dans toute sorte de produits industriels : glaces, yaourts, biscuits… Ce qui était à l'origine un ingrédient noble, un produit de terroir aux profils aromatiques complexes comme le vin ou le café, est aujourd'hui intégré par l'industrie comme ingrédient peu cher. Nous consommons du cacao au quotidien sans même nous en rendre compte, sans lui reconnaître la valeur qu'il contient, le savoir-faire qu'il mobilise et l'importance de travail qu'il suppose. La crise du cacao met en lumière la nécessité d’une action concertée pour assurer la durabilité de cette culture essentielle. En combinant efforts locaux et internationaux, il est possible de surmonter ces défis et de garantir un avenir prospère pour les producteurs et les consommateurs de cacao. Le triplement des cours du cacao en quelques mois nous rappelle qu'un basculement vers une nouvelle ère est possible. Une ère dans laquelle le cacao à bas prix pour un marché de masse n'existerait plus. Une ère où un cacao mieux payé aux producteurs sera consommé autrement, avec parcimonie et prise de conscience de la qualité du produit. Le consommateur a un rôle a joué en changeant son regard sur ce produit (qui n’est plus un simple produit de consommation) mais également en exigeant de consommer un produit de qualité, bon pour la planète et pour les Hommes qui y vivent.

 

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